L'intelligence du stress
Qu'est-ce que l'intelligence du stress ?
Jacques Fradin, médecin et psychothérapeute a initié l’approche neuro cognitive et comportementale, l’ANC. Il a élaboré un nouveau modèle du stress dans son livre au titre presque provocateur « l’intelligence du stress ».
Peut-être vous demandez-vous : Comment ce que je ressens comme un état fébrile, désagréable et déstabilisant peut être considéré comme intelligent ?
En fait, ce n’est pas le stress qui est intelligent en lui-même. L’intelligence du stress réside dans le rôle qu’il peut jouer dans notre vie. A nous de faire preuve de discernement pour comprendre le stress, sa mécanique biologique et neurocognitive et du coup mieux le gérer.
Pour cela, je vous propose d’aller faire un tour dans votre cerveau, d’aller voir d’un peu plus près le pilote de vos pensées, vos actions et vos émotions.
Dans le cerveau humain, on retrouve 3 grandes structures qui se sont développées depuis Homo Sapiens jusqu’à maintenant.
De la plus ancienne à la plus récente, nous avons :
- Le cerveau reptilien, siège de la survie et des réactions instinctives
- Le cerveau limbique, siège des émotions et de la motivation
- Le cortex préfrontal, siège de la prise de recul, de l’analyse et de la créativité.
Les 2 pilotes aux commandes de notre cerveau de notre cerveau
Ces 3 structures donnent lieu, pour schématiser, à deux modes de pensée, à 2 pilotes qui sont aux commandes de votre cerveau :
Un pilote automatique et un pilote adaptatif.
Ces 2 modes de pensée ont chacun leur intérêt. Mais c’est dans le choix du pilote face aux situations que nous rencontrons que va intervenir cette fameuse intelligence du stress.
Le pilote automatique
Le pilote automatique se situe dans 2 zones de notre cerveau : le reptilien et le limbique.
Il est utile pour gérer les situations simples ou connues.
Il est rapide, fiable (la plupart du temps), rigide (car rempli de certitudes) et il ne consomme pas beaucoup d’énergie.
Sa force est de déclencher des réactions rapides face à des situations routinières.
En effet, heureusement que je ne réfléchis pas à chaque fois que j’ouvre une porte, que je m’arrête à un feu rouge ou que j’éprouve de la joie suite à une bonne nouvelle.
Le pilote automatique est focalisé sur le présent (action / réaction) et il prend ses décisions sur un catalogue d’expériences vécues.
C’est le champion de la maîtrise. Il aime sa zone de confort car elle est connue, rassurante, sans surprise.
Le pilote adaptatif
Le pilote adaptatif se situe dans la zone la plus récente de notre cerveau : le cortex préfrontal, juste derrière votre front.
Il est utile pour gérer les situations complexes ou inconnues.
Il est lent, fluide, global, innovant et consomme beaucoup d’énergie.
Sa force est de pouvoir imaginer toutes les solutions possibles dans une situation nouvelle. Et de procéder à une analyse détaillée afin de prendre une décision éclairée.
Ce qui le caractérise, c’est sa grande capacité d’anticipation et ses décisions rationnelles.
C’est lui qui nous permet de prendre du recul, d’apprendre de nos erreurs en les analysant, de nous transformer, d’innover, de sortir des sentiers battus, d’explorer de nouveaux horizons.
Le pilote adaptatif est le champion de l’incertitude et de la créativité. Il s’allume et trouve sa raison d’être dans ce qui est nouveau ou complexe
Mais alors comment ça se passe concrètement entre ces 2 pilotes aux commandes de votre cerveau ?
La plus grande partie de votre temps, c’est le pilote automatique qui est aux commandes. Il gère votre quotidien, tout ce que vous faites automatiquement, sans réfléchir.
Le pilote adaptatif est en arrière-plan. Il est d’astreinte. Il se manifestera quand la situation le nécessitera.
A ce moment-là, le pilote adaptatif prendra les manettes et fera son boulot (analyser et comprendre la complexité, innover, apprendre). Ensuite, il rendra les commandes au pilote automatique qui aura intégré ces nouvelles compétences.
Et que vient faire l'intelligence du stress dans tout cela ?
Il agit comme un signal d’alarme. Si vous abordez une situation complexe en pensant qu’elle est simple, que vous pouvez faire « comme d’habitude », le stress se déclenche.
C’est ici qu’intervient la fameuse intelligence du stress : Le stress est un signal d’alarme que votre pilote adaptatif envoie à votre pilote automatique pour lui dire « passe-moi la main. Cette situation demande une analyse plus poussée et tu ne sais pas faire. Ca, C’est mon boulot ».
Le stress devient dangereux et s’installe durablement si nous faisons preuve de rigidité et que nous refusons de passer les commandes au pilote adaptatif. Notre pilote automatique, à ce moment-là, refuse de lâcher sa façon de pensée habituelle et de reconnaître la situation telle qu’elle est à savoir incertaine car nouvelle.
C’est parce que nous refusons de lâcher que le stress devient chronique car le signal d’alarme monte en intensité pour se faire entendre.
L'intelligence du stress en action
Prenons un exemple. Vous arrivez sur la place de l’étoile à Paris pour la première fois et vous la prenez comme n’importe quel rond-point. Vous êtes en pilote automatique. Confiant. Peur de rien. Tout est normal . Sauf que arrivé sur place, vous constatez que les priorités sont inversées. Sans comprendre ce qui se passe, sous la pression des voitures qui vous klaxonnent derrière car vous bloquez le trafic, vous paniquez ou vous vous mettez en colère contre les autres chauffeurs qui ne vous respectent pas ou vous perdez tous vos moyens, vous avez l’impression que vous n’arriverez jamais à traverser cette place de l’étoile.
Ces réactions si peu aidantes sont en fait ce signal d’alarme que votre cerveau vous envoie pour vous demander d’appréhender la situation différemment, avec un autre état d’esprit plus adapté à la complexité du moment. Toute l’intelligence va résider dans votre capacité à reconnaître ce signal et à lâcher votre pilote automatique. Il va falloir que vous acceptiez d’analyser autrement les choses en observant ce qui se passe et en ayant une réflexion logique.
Tous les jours, nous prenons des milliers de décisions. Les 2 pilotes ont leur pertinence. Si le pilote automatique nous permet d’avoir des réflexes et de faire preuve de spontanéité, le pilote adaptatif, lui, nous permet de prendre du recul, de développer une capacité d’ouverture à l’imprévu, de percevoir le caractère complexe d’une situation et d’être curieux.
Et oui, en approche neurocognitive et comportementale, la curiosité n’est pas un vilain défaut, au contraire.